(via) rupta (latin) : route, road, ruta, weg, ... Via rupta signifie litéralement voie brisée, creusée dans la roche, pour tracer le chemin [1]. Here are fragments of my rupta.
[1] Comme nous le rappelle la définition francophone de route de Wikipedia.
Hier, dimanche 26 février, avait lieu le premier tour de l’élection présidentielle 2012 au Sénégal. Cette élection s’était préparée avec une certaine dose de tension et de violence, tension principalement causée par la validation de la candidature d’Abdoulaye Wade, président sortant, pour un 3e mandat. Nombreux sénégalais ne pouvaient pas accepter sa candidature car ils avaient justement élu M. Wade pour, entre autres choses, modifier la constitution et limiter le nombre de mandats à 2. Tout cela a généré de nombreuses manifestations ces dernières semaines, certaines durement repoussées par les autorités et laissant, malheureusement, une dizaine de morts.
Malgré cela, grâce à la détermination et au calme du peuple, la journée de vote s’est assez bien déroulée. Selon les observateurs internationaux et notamment la mission européenne, une fraude massive n’a pas pu avoir lieu, même si quelques événements ne sont pas très nets. La participation était bonne, mais n’était pas énorme, aux environs 60% semble-t-il [1]. Cela sans doute parce que certaines personnes avait justement eu peur de nouvelles manifestations et de la répression qui les accompagnerait, sans doute aussi car de nombreuses cartes de vote n’avait pas pu être retirées par la population [2].
Ce lundi, les résultats des votes tombent petit à petit et il devient de plus en plus probable qu’un second tour aura bien lieu, alors que M. Wade répétait à l’envi qu’il gagnerait dès le premier. Face à lui, on trouvera sans doute Macky Sall, un ancien premier ministre sous Wade, mais remercié par ce dernier lorsqu’il commencait à lui faire de l’ombre. Ou peut-être Moustapha Niasse, un vieux routard de la scène politique sénégalaise, ayant eu plusieurs responsabilités internationales en Afrique et apportant des promesses politiques plus différenciées face à celles de la politique libérale des 12 dernières années (les 2 mandats de Wade).
Un second tour entre Wade et Sall, issue la plus probable à la vue des résultats qui continuent à arriver, ne serait sans doute pas synonyme de grands changements dans les politiques menées [3]. Néanmoins, un second tour serait la meilleure manière que le peuple sénégalais puisse trouver pour clairement signifier au président sortant qu’un 3e mandat est décidément de trop : Faux ! Pas forcé [4].
Ces élections de 2012 montrent aussi très bien qu’Internet, les réseaux sociaux, et de manière générale les nouvelles technologies de l’information, aident clairement à l’expression de la démocratie. De nombreux sénégalais sur Twitter, Facebook, Youtube, divers blogs et sites web ont relayé des informations, photos et vidéos marquantes, ont animé de riches débats et même contribué à améliorer le point de vue parfois biaisé ou lacunaire des presses étrangères. C’est une belle petite leçon de démocratie ! [5]
A cet effet, les sénégalais se sont approprié Twitter, en le rebaptisant. Ils utilisent à tour de bras le hastag #kebetu. Kebetu mot wolof signifiant gazouiller, ou, bien sûr, twitter en anglais. Ils ont par ailleurs déployé plusieurs portails d’information et d’observation du processus électoral. Samabaat2012 permet de reporter et cataloguer tous les événements liés au scrutin (manifestations, tentative de fraude, opération irrégulière, etc.). Senevote2012 recense lui les taux de participation, l’exécution des procédures et les participations dans chacun des bureaux de vote du pays. Et toutes ces initiatives sont des initiatives citoyennes, portées par des individus ou des collectifs et parfois soutenues par les moyens de quelques ONG. Chapeau !
A propos de ces élections, il reste maintenant à voir comment le pouvoir en place va officiellement accueillir le résultat des urnes, tant qu’une annonce des institutions en charge des élections n’est pas faite, tout peut encore changer. Mais je reste optimiste car je sais que les sénégalais tiennent à leur démocratie.
[1] Lors des élections de 2007 elle était de près de 70%. Wade y avait gagné dès le premier tour. J’ai écris à ce sujet à l’époque.
[2] 10% des cartes n’étaient pas encore distribuées au matin du vendredi 24/2, plus particulièrement à Touba.
[3] Sall a été au côté de Wade pendant près de 25 ans, jusqu’au moment où, en 2008, rejeté du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), il a démissionné et créé son propre parti. Situation courante chez les premiers sinistres sénégalais.
[4] Slogan et titre d’un morceau de rappeurs sénégalais très engagés dans la contestation contre Wade sous le mouvement Y’en a marre.
[5] Et si vous voulez en savoir plus, je vous invite à lire La leçon de démocratie de la blogosphère sénégalaise, publié avant le premier tour, qui décrit de manière détaillée comment les réseaux sociaux et plus particulièrement Twitter ont été utilisés ces derniers mois.